Qu’est-ce qu’une entreprise libérée ?
Depuis la fin des années 80, des actions pour libérer l’entreprise se multiplient dans le monde entier. Que l’on soit converti ou réfractaire à cette tendance, une chose est sûre, l’entreprise libérée n’a pas fini de faire parler d’elle.
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Publié le 08/07/2021
Depuis la fin des années 80, des actions pour libérer l’entreprise se multiplient dans le monde entier. Que l’on soit converti ou réfractaire à cette tendance, une chose est sûre, l’entreprise libérée n’a pas fini de faire parler d’elle.
Imagine une entreprise où la liberté et le bien-être au travail primeraient sur le profit. Imagine des lieux où régnerait espaces de repos, salles de sport et baby-foot… Non ce n’est pas un rêve nouveau, c'est même une utopie assez ancienne.
Tu connais forcément le principe de l’entreprise libérée, avec des salariés libres et responsables d’entreprendre toutes les actions qu’ils jugent bonnes pour l’entreprise. En plus d’être un modèle d’épanouissement professionnel, ce mode de fonctionnement semble se diffuser à tous les secteurs d’activité.
Le concept des entreprises libérées repose sur un principe fondamental : laisser tous les collaborateurs prendre des initiatives individuelles plutôt que de suivre des directives imposées par leur hiérarchie.
Cette semaine, PrePeers te parle de ce nouveau type d'organisation du futur qui bouscule la normalité pour que tu en saches plus sur ces entreprises 2.0 qui mettent l'humain à la tête du management.
Quelles sont les différences entre l'entreprise libérée et l'entreprise classique ?
Afin de distinguer les dysfonctionnements présents dans les organisations traditionnelles, il est d’abord nécessaire de reconnaître les distinctions qui existent entre elle et sa rivale, l’entreprise dite « sans hiérarchie ».
Les équipes mises à l’honneur
Dans une organisation traditionnelle, le chef est supérieur à ses collaborateurs. On peut dire qu'il détient l’information, le pouvoir et le savoir absolu... La hiérarchie a une forme de pyramide dans ces cas là. Chaque personne a un supérieur rattaché eux-mêmes à des supérieurs. Un monde professionnel idéal serait dépourvu de toutes distinctions de pouvoir : aux oubliettes les places de parking réservées exclusivement à la direction, fini le patron enfermé dans sa tour d’ivoire !
Le concept de l’entreprise libérée fait primer l’intelligence collective, et transmet l’information à tous. Dans ce type de société sans vraie hiérarchie pyramidale, les créateurs de richesse disposent désormais de toutes les informations nécessaires à la prise de décisions. Ainsi, un climat de confiance et de transparence se crée entre leaders et collaborateurs. Les doutes et la méfiance ont laissé place au travail autonome et responsabilisant. Le but est de rendre les salariés plus libres, plus motivés, plus productifs et surtout plus impliqués dans leur travail.
Chacun est autonome
Grâce à la bonne organisation des équipes, le niveau hiérarchique intermédiaire n’est plus nécessaire. Adieu les contrôles, les procédures et la surveillance. Bonjour les prises d’initiatives, la prise de décision et la confiance collective ! Les dirigeants et managers n’auraient plus qu’à se mettre au diapason.
Pour que l’absence de hiérarchie ne se transforme pas en anarchie totale au bout d’une journée, cela demande une vision d’entreprise stimulante que chacun s’approprie, ainsi que le partage de valeurs communes. Il est important que chacun sache ce qu'il a à faire et que tout le monde puisse remplir ses objectifs !
Des individus heureux et performants
Qui a dit qu’il fallait choisir entre l’un ou l’autre ? Le fondement même d’une entreprise libérée repose sur le fait de pouvoir associer le bien-être des collaborateurs à la productivité de l’entreprise. Ce mode de management 2.0 installe l’humain au cœur de son fonctionnement. Selon un sondage réalisé en 2019 par Toluna, 73 % des personnes interrogées estiment la qualité de vie au travail est tout aussi importante que le salaire ! C’est pour dire... D'ailleurs la pyramide de Maslow prouve que le besoin d'accomplissement est la cerise sur le gâteau !
Les précurseurs et ambassadeurs
L’entreprise libérée ne date pas d’hier, loin de là ! Pour tout comprendre, il faut remonter à la fin du 18e siècle en Europe. Charles Fourier, penseur socialiste original que ses contemporains prenaient volontiers pour un fou, est l'inventeur d'une micro-société utopique où l'amour et le travail sont régis par la seule diversité. En effet, dans Le Nouveau Monde industriel et sociétaire publié en 1829, il fournit l'exposé de ce qu'il nomme « Le Phalanstère ». L'idée derrière cette philosophie - où l'éros est central - est de créer une petite organisation où chacun travaille selon l'orientation de ses penchants et exerce au moins cinq métiers par jour. Heureux au travail comme en amour, les phalanstériens n'en seront ainsi que plus prospères.
Un pionnier plus récent de ce mouvement mondial fut Bill Gore en 1958, avec sa société américaine W. L. Gore & Associates. Aujourd’hui, l’entreprise est devenue une multinationale au sommet présente dans 45 pays. Organisée en unités de production, chacune est gérée par des « leaders » élus au sein du collectif.
Isaac Getz, conférencier et auteur, a repris et théorisé la notion d’entreprise libérée pour la populariser en France. Selon lui, l’avenir des entreprises réside dans le bonheur de ses équipes. Exit les managers qui font vivre un enfer à leurs salariés, on parle désormais de « leaders libérateurs ». Le management vertical a laissé place au management horizontal.
Déployée dans de nombreux pays, la théorie de Getz a converti en France des entreprises telles que Poult, Chronoflex et Favi. À titre d'exemple, le système Favi prône la confiance de ses ouvriers et de ses commerciaux. Une usine sans syndicat, sans hiérarchie, cela aurait pu finir avec du sang sur les murs… Et pourtant, en seulement 2 principes Jean-François Zobrist a réussi son pari fou :
- Il a mis en place des mini-usines indépendantes, chacune rattachée à un client, dans lesquelles tout le monde se connaît pour faciliter la communication.
- Il a amélioré l’environnement en mettant l'accent sur la propreté et la sécurité.
Depuis 2013, de grandes multinationales se sont à leur tour orientées vers cette forme de « libération managériale ». On retrouve alors des grandes entreprises telles que Michelin, Décathlon, Kiabi, Leroy Merlin… Vous l’avez compris, pour que ce mode de fonctionnement aboutisse, il faut réduire l’entreprise en petites entités à tailles humaines. La création de ces communautés vont favoriser la communication et permettre une meilleure gestion des problèmes.
Vous êtes curieux de découvrir ces entreprises qui s’intéressent à la gestion et à la valorisation de carrière de leurs effectifs ? N’hésitez pas à consulter notre article de blog : 10 entreprises où la promotion interne est une valeur importante.
Des avantages mais aussi des inconvénients
Qui dit absence de hiérarchie ne dit pas absence de cadre. Bien au contraire. Des règles et des procédures sont instaurées conjointement avec les travailleurs, afin de les guider dans leurs prises de décisions, vers une perspective d’autonomie. Grâce à cette forme d’organisation, les réunions sont rapides et efficaces. Souplesse et clarté sont apportées aux procédures internes, disons le, parfois superflues. Les entreprises libérées ont conscience que dirigeants et salariés sont humains avant tout, avec leurs qualités et leurs défauts...
Bien évidemment, ce n’est pas un modèle sans faille ! Tout le monde ne peut pas être prêt pour un tel changement. Cette approche s'avère difficile à instaurer dans les entreprises où le modèle traditionnel est déjà fortement ancré dans leur culture.
Après l’euphorie liée aux nouvelles responsabilités, place à l’apprentissage de l’exercice du pouvoir. Et ça prend du temps ! De plus, passer d’un manque d’information à un trop plein d'informations, c’est assez difficile à gérer pour certains.
L’entreprise libérée ne s'exclut évidemment pas de la réalité économique. Si des difficultés interviennent et que les choses tournent mal, chacun sera par conséquent responsable de ses actions... Il est compréhensible que ça en fasse fuir plus d’un ! Ce n’est pas non plus évident d’apprendre à cohabiter avec différents niveaux d’engagement : certaines personnes seront très engagées, d’autres moins, et certaines pas du tout. Tout dépend de la personnalité des personnes, de leur besoin, de ce qui les intéresse...
En conclusion
Il est peut-être révolu le temps où les salariés d'une entreprise étaient forcément malheureux, écrasés par un système hiérarchique. Ils veulent désormais, dans une quête de sens et d’information, qu’on les libère ! Il aiment savoir pourquoi ils font les choses, tout en étant totalement libres du comment. Qui sait peut-être que demain, le monde de l’entreprise se tournera massivement vers des systèmes de confiance et de liberté...
La clé du succès ne réside pas simplement dans la capacité des salariés à devenir polyvalent et impliqués. Il faut aussi que les dirigeants soient près à l'innovation et surtout qu'ils fassent confiance à leurs collaborateurs. Et comme dans tout, il y a des partisans et des opposants !